Japon
Le Japon est le troisième État à avoir ratifié la Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel (PCI).Le Centre international de recherche sur le patrimoine culturel immatériel dans la région Asie-Pacifique, centre Unesco de catégorie 2 implanté au Japon, a ouvert ses portes le 3 octobre 2011.
Sommaire
- 1 La loi nº214 sur la protection des biens culturels du 30 mai 1950
- 1.1 Les détenteurs de biens culturels immatériels importants
- 1.2 les biens culturels immatériels d’une haute valeur menacés de disparition
- 1.3 Les biens culturels immatériels importants
- 1.4 Les mesures de sauvegarde du PCI
- 1.5 les biens culturels traditionnels immatériels importants
- 1.6 les techniques de conservation choisies
- 2 L'inventaire du PCI japonais
- 2.1 L'organisme compétent en matière de PCI
- 2.2 La procédure d'inventaire du PCI présent sur le territoire japonais
- 2.3 La procédure d'inventaire du PCI
- 2.4 Les motifs d'annulation d'une désignation
- 2.5 La structure de l'inventaire du PCI
- 2.6 L'impact de l'inscription du Washoku sur l'inventaire du PCI
- 3 Annexes
La loi nº214 sur la protection des biens culturels du 30 mai 1950
L’occidentalisation croissante de la société japonaise depuis la fin du XIXe siècle et l’incendie qui a détruit, en 1949, les peintures murales du Kondo dans le Temple de Horyuji (préfecture de Nara) ont précipité l’adoption de la loi nº214 sur la protection des biens culturels du 30 mai 1950 (Bunkazai hogohô, modifiée en dernier lieu par la Loi nº7 du 30 mars 2007). Cette loi a pour objectif la protection des traditions culturelles japonaises et la sensibilisation du public à leur valeur. La loi s’inspire d’un système ancien d’organisation familiale des arts traditionnels, l’Iemoto seido. L’Iemoto seido était le maître d’une école d’art traditionnel. Il formait des disciples et était le gardien de la tradition. La charge d’Iemoto seido était héréditaire.
Les détenteurs de biens culturels immatériels importants

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La loi sur la protection des biens culturels établit un système de désignation et de certification des détenteurs de biens culturels immatériels importants (jûyô mukei minzoku bunkazai)[1]. Lorsque un bien culturel immatériel est désigné parallèlement un ou plusieurs détenteurs sont certifiés. Ce système a souvent été présenté sous l’expression de « trésor national vivant ». Cette expression est un abus de langage. La loi utilise le terme de détenteur de bien culturel immatériel. En outre, la protection porte sur des savoir-faire, des arts et leurs métiers et non pas sur des personnes.
les biens culturels immatériels d’une haute valeur menacés de disparition
À l’origine la loi sur la protection des biens culturels ne concernait que les biens culturels immatériels d’une haute valeur menacés de disparition[2]. La protection de ces biens culturels immatériels se faisait principalement par l’octroi de subventions. En 1954 la loi est amendée. La menace de disparition n’apparaît plus comme un critère pertinent. L’État peut alors contribuer à la protection d’un bien culturel immatériel même en l’absence de menaces de disparition sur ce bien.
Les biens culturels immatériels importants
Le nouveau système de désignation crée la catégorie des biens culturels immatériels importants. Ils sont désignés parmi les techniques et savoir-faire hautement sophistiqués développés par des professionnels[3]. Les biens culturels immatériels importants recouvrent deux domaines du patrimoine culturel immatériel (PCI) : les arts du spectacle, comme le Kabuki, et l’artisanat. Les détenteurs de biens culturels immatériels importants peuvent être soit des individus soit des groupes d’individus[4].
Les mesures de sauvegarde du PCI

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- une reconnaissance publique de la valeur des biens culturels immatériel ;
- des aides financières pour transmettre les savoir-faire, financer des expositions, etc. ; et
- l’enregistrement audiovisuel.
Les détenteurs de biens culturels immatériels importants reçoivent une subvention spéciale du gouvernement japonais afin qu’ils transmettent et perfectionnent leur art (environ deux millions de yens par an). En contrepartie les détenteurs doivent transmettre et perfectionner leur art. Le Commissaire aux affaires culturelles a la faculté de conseiller à un détenteur ou au propriétaire de l’enregistrement d’un bien culturel immatériel de rendre ce bien ou l’enregistrement accessible au public[5]. Si des frais sont engendrés par cette mise à disposition une subvention peut être octroyée par l’État. La désignation d’un bien culturel immatériel important est rattachée à un ou plusieurs détenteurs. Si un détenteur décède la désignation est annulée. La poterie de Bizen, poterie sans vernis servant pour la cérémonie du thé, par exemple, a été désignée comme bien culturel immatériel important en 1956. Dans cette désignation Tôyo Kaneshige était nommé comme détenteur de la poterie de Bizen. En 1967 Tôyo Kaneshige décède, la désignation est annulée. En 1970, la poterie de Bizen est à nouveau désignée avec la certification d’un nouveau détenteur Kei Fujiwara.
En 1975 un nouvel amendement permet la nomination d’un groupe comme détenteur. La nomination d’un groupe évite l’écueil de la perte de la désignation lors du décès du représentant d’un groupe de détenteurs.
les biens culturels traditionnels immatériels importants
En 1975 la prise de conscience des conséquences engendrées par l’urbanisation et l’exode rurale conduit à la consécration d’une nouvelle catégorie de biens immatériels : les biens culturels traditionnels immatériels importants[6]. Les biens culturels traditionnels immatériels importants sont les usages et les coutumes qui représentent typiquement des caractéristiques uniques du mode de vie ou de la culture traditionnel au Japon. Ils englobent les arts du spectacle traditionnels et les techniques traditionnelles qui facilitent la compréhension de leur origine. L’évolution des biens culturels traditionnels immatériels doit exprimer des particularités et des caractéristiques régionales.
Les biens culturels traditionnels immatériels se répartissent en deux sous-catégories, celle des arts du spectacle populaire et celle des us et coutumes. En 2004, une troisième sous-catégorie est introduite : celle des techniques populaires, se sont, par exemple, la technique de creusement de puits dans la région de Kamifusa ou encore la technique de fabrication du sel dans la région de Nogoto[7].
Seuls les groupes d’individus peuvent être désignés en tant que détenteur d’un bien culturel traditionnel immatériel. Les communautés pratiquant les biens culturels traditionnels immatériels importants sont encouragées à créer des associations de conservation (hozonkai) pour gérer les rituels et les festivals.
les techniques de conservation choisies
L’amendement de 1975 étend la protection prévue par la loi nº214 à un troisième type de patrimoine culturel immatériel (PCI) : les techniques de conservation choisies (art. 147 de la loi nº214). Les techniques de conservation choisies sont les techniques ou savoir-faire artisanaux traditionnels indispensables à la préservation d’un bien culturel qui exigent que des mesures soient entreprises pour leur sauvegarde. La technique de réparation de sculpture de Bouddha en bois est, par exemple, une technique de conservation choisie[8]. Un individu ou une association de conservation dont l’objet est de préserver la technique de conservation choisie peut être nommé(e) détenteur d’une technique de conservation choisie. Lorsqu’un groupe de personnes est désigné comme détenteur, alors ce groupe gère ses membres. Il décide de façon autonome de l’admission de nouveaux membres au sein du groupe et de l’exclusion d’un membre.
Ainsi il existe au Japon trois types de PCI :
- les biens culturels immatériels importants ;
- les biens culturels traditionnels immatériels importants ;
- les techniques de conservation choisies.
Au niveau préfectoral et municipal des systèmes de protection des biens culturels immatériels importants et des biens culturels traditionnels immatériels importants ont été introduits par ordonnance. Si un bien immatériel désigné au niveau infra-étatique est distingué au niveau étatique, la désignation étatique annule la désignation préfectorale ou municipale.
Le système japonais de sauvegarde du PCI ne s’articule pas parfaitement avec la Convention pour la sauvegarde du PCI. En effet, le système japonais hiérarchise les éléments du PCI selon une échelle de valeur fondée sur l’excellence. Seuls les biens culturels immatériels et les biens culturels traditionnels qui possèdent une valeur importante sont protégés. Les détenteurs certifiés sont « ceux qui font preuve d’un talent exceptionnel »[9]. La Convention pour la sauvegarde du PCI, quant à elle, consacre comme principe l’équivalence de valeur de tous les éléments du PCI.
L'inventaire du PCI japonais
L'organisme compétent en matière de PCI
L’Agence des affaires culturelles (Bunkachô) au sein du ministère de l’Éducation de la Culture, des Sports, des Sciences et Technologies (MEXT) est compétente en matière de sauvegarde du PCI.
La procédure d'inventaire du PCI présent sur le territoire japonais
La procédure d’inventaire mise en place par la loi nº214 du 30 mai 1950 sur la protection des biens culturels adopte une approche descendante. Le gouvernement a l’initiative de la désignation des biens ou des techniques qui seront inclus dans l’inventaire.
En effet, la loi nº214 du 30 mai 1950 sur la protection des biens culturels prévoit que le MEXT désigne les biens culturels immatériels importants[10] et les biens culturels traditionnels immatériels importants[11]. Il nomme également comme détenteur d’une technique de conservation les individus ou l’entité de préservation concernés[12].
La procédure d'inventaire du PCI

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Les désignations sont publiées au Journal officiel et le ou les détenteurs en sont notifiés [13]. La désignation initiale peut être complétée par une reconnaissance supplémentaire si un ou plusieurs individus auraient dû(s) être reconnu(s) comme détenteur[14].
Les motifs d'annulation d'une désignation
La désignation peut être annulée par le MEXT dans trois cas de figure :
- un bien culturel immatériel a perdu sa valeur ;
- la santé physique ou mentale du détenteur personne physique ne lui permet plus de conserver le titre ou la personne morale détentrice ne remplit plus les conditions pour être certifiée comme détentrice ;
le décès du détenteur ou pour les personnes morales la dissolution[15].
La désignation d’une technique de conservation choisie peut de même être annulée si :
- il n’est plus nécessaire de prendre des mesures pour la préservation de la technique de conservation ;
- le détenteur n’est plus en mesure de conserver le titre pour des raisons de santé physique ou mentale ou l’entité détentrice n’est plus capable de conserver le titre ;
- le décès du détenteur ou pour les personnes morales la dissolution[16].
L’annulation d’une désignation d’un bien culturel immatériel important ou d’une technique de conservation choisie est notifiée aux personnes concernées et publiée au Journal officiel [17].
La structure de l'inventaire du PCI
L’inventaire est mis à jour au moins une fois par un an. Les biens culturels immatériels importants sont classés par genre traditionnel et par leur date de désignation. Les biens culturels traditionnels immatériels importants sont classés par leur préfecture d’origine et par la date de leur désignation. Les techniques de conservation choisies sont classées chronologiquement par la date de leur désignation.
L'impact de l'inscription du Washoku sur l'inventaire du PCI
Le champ de l’inventaire s’est élargi avec la candidature pour l’inscription en 2013 sur la Liste représentative du PCI de l’humanité du Washoku, les traditions culinaires des Japonais. Le Washoku ne correspond à aucune des catégories de PCI instituées par la loi sur la protection des biens culturels. Le gouvernement japonais, au regard des délibérations prises par l’Agence des affaires culturelles a désigné le Washoku comme PCI du Japon. Une nouvelle entrée a été établie au sein de l’inventaire pour inscrire le Washoku. L’entrée ad hoc pour le Washoku s’intitule « élément inclus sur le fondement d’une décision de l’Agence des affaires culturelles ». Elle ne comporte pour le moment que le Washoku.
Annexes
Notes et références
- ↑ La traduction des termes de la loi nº214 varie d’une source à l’autre. La terminologie choisie dans cette note reprend celle employée dans le rapport périodique nº007856 du Japon sur la mise en œuvre de la Convention et sur l’état des éléments qui ont été inscrits sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité (voir bibliographie).
- ↑ art. 2, para 1, nº2 de la loi nº214
- ↑ art. 71 de la loi nº214
- ↑ art. 71(2) de la loi nº214
- ↑ art. 75, 88 et 151 de la loi nº214
- ↑ minzoku geinô, art. 78 de la loi nº214
- ↑ KONO, Toshiyuki, « La protection juridique du patrimoine culturel immatériel : plusieurs questions vues sous l’angle de l’expérience japonaise », p. 37, dans CORNU, Marie, FROMAGEAU Jérôme et HOTTIN, Christian, Droit et patrimoine culturel immatériel : colloque international organisé par le Département du pilotage de la recherche et de la politique scientifique (Direction générale des patrimoines, Ministère de la culture et de la communication), le Centre de recherches sur le droit du patrimoine culturel et naturel (CECOJI, CNRS-Université de Poitiers/Université Paris-Sud 11), l’Institut interdisciplinaire d’anthropologie du contemporain (IIAC) (UMR 8177, CNRS/EHESS/Ministère de la culture), Paris : L’Harmattan, 2013, 217 p.
- ↑ Ibid. p. 38.
- ↑ FEILONG Chen, AIKAWA-FAURE Noriko, OHNUKI Misako, Le patrimoine culturel immatériel à la lumière de l’Extrême-Orient, Arles : Actes Sud, (collection « Internationale de l’imaginaire », nº24), 2009, p. 71.
- ↑ art. 71(1)
- ↑ Ibid. art. 78
- ↑ art. 147 de la loi nº214
- ↑ art. 71(3) de la loi nº214
- ↑ art. 71(4)
- ↑ art. 72 de la loi nº214
- ↑ art. 148 de la loi nº214
- ↑ art. 72 et 148 de la loi nº214
Bibliographie
- CANG, Voltaire Garces, « Defining intangible cultural heritage and its stakeholders : the case of Japan », International Journal of Intangible Heritage, 2007, vol. 2, pp.46-55.
- FEILONG Chen, AIKAWA-FAURE Noriko, OHNUKI Misako, Le patrimoine culturel immatériel à la lumière de l’Extrême-Orient, Arles : Actes Sud, (collection « Internationale de l’imaginaire », nº24), 2009, 118 p.
- FOSTER Michael Dylan, « The UNESCO Effect: Confidence, Defamiliarization, and a New Element in the Discourse on a Japanese Island », Journal of Folklore Research, 2011, vol. 48, nº1, pp. 63-107.
- KONO, Toshiyuki, « La protection juridique du patrimoine culturel immatériel : plusieurs questions vues sous l’angle de l’expérience japonaise », pp. 29-49, dans CORNU, Marie, FROMAGEAU Jérôme et HOTTIN, Christian, Droit et patrimoine culturel immatériel : colloque international organisé par le Département du pilotage de la recherche et de la politique scientifique (Direction générale des patrimoines, Ministère de la culture et de la communication), le Centre de recherches sur le droit du patrimoine culturel et naturel (CECOJI, CNRS-Université de Poitiers/Université Paris-Sud 11), l’Institut interdisciplinaire d’anthropologie du contemporain (IIAC) (UMR 8177, CNRS/EHESS/Ministère de la culture), Paris : L’Harmattan, 2013, 217 p.
- OGINO, Masahiro, « le patrimoine et le Japon », Ethnologie française, janvier-mars 1995, vol. 25, pp. 57-64.
- THORNBURY, Barabara E., « The cultural properties protection law and Japan’s folk performing arts », Asian Folklore Studies, 1994, vol. 53, nº2, pp. 211-225.
- WANG, Li, La Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel – son application en droits français et chinois, Paris : L’Harmattan, 2013, 517 p.